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Bétails de min coin

rongeur

Castor européen (Vallée de la Meuse)

3 Septembre 2014 , Rédigé par Benoit Henrion Publié dans #castor européen, #photos d'animaux, #Ardennes, #Vallée de la Meuse, #bièvre, #rongeur, #Olivier Rubbers

Castor européen (Vallée de la Meuse)

Ma première rencontre avec le castor européen en vallée de la Meuse (Ardennes).

J'embarque avec un ami qui étudie le castor depuis plusieurs années déjà. Nous montons à bord de son canot pneumatique. Même s'il le surnomme "l'Insubmersible", j'avoue que je ne suis pas très rassuré. Avec le vent qui se lève en cette fin de journée, nous sommes ballotés par les flots et j'appréhende de prendre le bouillon avec tout mon matériel qui irait s'enfoncer par plus de 10 m de fond.

Le castor européen, encore appelé bièvre* au Moyen- Age, est un gros rongeur semi-aquatique à queue plate qui a failli disparaître d'Europe à la fin du XIXème siècle. En effet, il était chassé pour sa fourrure, sa viande (à l'époque où le carême était pratiqué, il était considéré comme poisson) et pour son castoréum (sécrétion huileuse très odorante). Secrété par des glandes du castor, le castoréum a une fonction de signalisation chimique de l'animal et d'imperméabilisation du pelage. Cette substance est connue depuis l'Antiquité. Elle a servi en parfumerie et à des fins thérapeuthiques. Elle a aussi servi d'appât dans la chasse aux gros prédateurs comme le lynx, le loup, le glouton par les trappeurs et les Amérindiens.

Nous naviguons vers la hutte de la famille castor et peu après 19H, un jeune castor né l'année dernière sort la tête de l'eau. Il nous repère mais vient casser la croûte à moins de 10 m du canot comme si de rien n'était. Nous ne verrons malheureusement pas d'adultes au cours de cette sortie. Seuls les jeunes se montreront.

*Le mot bièvre a connu dans les années 1980 une petite notoriété. Il existe en effet à Paris une rue de Bièvre où habitait François Mitterrand.

Castor européen (Vallée de la Meuse)

Le castor européen est le plus gros rongeur d'Europe. Il pèse une vingtaine de kilos (exceptionnellement 30 kg) et ne doit pas être confondu avec le ragondin ou le rat musqué.

Si le premier est strictement protégé, les deux derniers sont classés nuisibles pour les dégâts occasionnés aux berges. Le castor européen bénéficie d'un programme de protection et de suivi de l'ONCFS et de l'INRA. Vous aurez accès à des études de ces deux instituts sur le castor européen en cliquant sur les liens.

Comment donc expliquer la réapparition du castor européen alors qu'il avait pratiquement disparu du vieux continent? Il faut revenir à la fin du siècle dernier, en 1999-2000.

Un naturaliste belge, Olivier Rubbers, aurait organisé une réintroduction illégale (non autorisée par les pouvoirs publics et désapprouvée par certaines associations) de 101 castors européens capturés en Allemagne. Ces castors sont de souche française. En effet, les seuls castors européens ayant survécu à la chasse sont ceux du delta du Rhône. Il avaient été préservés en raison des difficultés d'accès naturelles du terrain. Certains de ces castors avaient été prélevés pour y être introduits en Allemagne. C'est donc un retour à l'envoyeur qui s'est opéré. Ces castors sont bien de souche européenne.

Cette centaine de castors européens a été lâchée sur des cours d'eau en Belgique (aux frontières française et néerlandaise) et probablement en France-même vu la rapidité de la colonisation qui a suivi.

J'ai même eu écho d'un projet de lâcher avorté qui devait avoir lieu sur le Viroin (affluent de la Meuse dans les Ardennes françaises).

Aujourd'hui, on retrouve le castor à Charleville-Mézières et dans le nord de l'Aisne.

Castor européen (Vallée de la Meuse)

Nullement impressionné, le castor a nagé tranquillement en passant tout près du canot pour venir nous sentir. Vous pouvez voir de longs poils dépasser de sa tête. Ils sont appelés vibrisses. Ils lui servent à détecter les changements de débit sur les cours d'eau. Le castor construit une hutte (qui peut atteindre 3m de hauteur) dont l'entrée doit rester immergée. Il se préserve aussi une hauteur minimale de 60 cm d'eau pour se déplacer dans la rivière.

Le castor européen est pourtant beaucoup moins bâtisseur que son cousin américain connu pour ses gigantesques barrages. Sur la Meuse, point de barrage. Sur les cours d'eau secondaires en revanche, les barrages sont assez nombreux.

Pourquoi cette différence ?

Le castor américain subit un hiver plus long et plus rigoureux. Il a donc un accès aux herbacées beaucoup plus limité dans le temps. Il doit donc se rabattre sur les écorces des arbres pour se nourrir. De plus, les longues et fortes périodes de gel l'obligent à maintenir une hauteur en eau plus importante. Il lui faut donc des zones humides bien noyées qu'il obtient en construisant des barrages (et donc en abattant des arbres). La rigueur du climat nord-américain et la présence de nombreux prédateurs absents d'Europe (loups, ours, lynx, etc) expliquent sans doute que le castor américain soit beaucoup plus plus prolifique que le castor européen (4 à 6 petits en moyenne pour l'américain contre 2 pour l'européen).

Castor européen (Vallée de la Meuse)

Le castor européen est essentiellement nocturne. En ce mois d'août, les castors sortent néanmoins de leur hutte un peu après 19H Nous pouvons donc profiter de la lumière de fin de journée.

Le territoire du castor européen s'étend sur 3 km de rivage. Il peut être ramené à 2 km sur la Meuse en raison de l'augmentation de sa population. En effet, il cherche des territoires propices à son installation et raccourcit son territoire si besoin. Il commence à coloniser la Semois en Belgique dont les fonds plus rocailleux lui conviennent moins.

Le castor européen n'aime guère s'éloigner de plus de 30 m du rivage car il y est beaucoup plus vulnérable que dans l'eau. Les prédateurs peuvent l'entendre ronger l'écorce des troncs et il a besoin de regagner rapidement l'élément liquide. Pour se nourrir, il affectionne donc les arbres qui se trouve à proximité du cours d'eau. Il apprécie plus spécialement dans les Ardennes les saules, les peupliers tremble, puis en second choix les bouleaux, noisetiers et aulnes. Occasionnellement, il se nourrit de chêne mais c'est un arbre qu'on retrouve peu en bord de Meuse (mais plus près de petits cours d'eau).

Il apprécie aussi beaucoup la reine des prés, une spirée (plante herbacée dont les fruits sont en spirale) qui contient comme le saule de l'acide salicylique. Cet acide a des vertus analgésiques et antiseptiques. La reine des prés permet de synthétiser l'aspirine. Voilà donc un animal qui n'aura pas souvent mal au crâne!

Castor européen (Vallée de la Meuse)

La réintroduction du castor a été repoussée en raison des désagréments occasionnés pour les propriétaires privés de berges. En effet, il est assez désagréable de retrouver son chêne ou son fruitier grignoté et abattu et enfin emporté à la hutte un petit matin.Il existe des procédés pour protéger les arbres avec du grillage mais il faut reconnaître que ce n'est pas très esthétique.

Pourtant, le castor a une fonction importante dans la gestion des cours d'eau et des crues.

En coupant les arbres en bord des rives, il permet l'entretien des berges. En effet, il coupe les arbres à hauteur de castor en préservant le système racinaire. Ceci permet de garder la terre et de maintenir la berge (contrairement au ragondin qui détruit les berges en y creusant son terrier). Depuis la disparition du castor, on a pu s'apercevoir que la berge souvent non entretenue (celle opposée au chemin de halage) subissait de gros dommage lors des crues : déracinement avec perte de la terre et de la berge, troncs dérivant sur la Meuse, et donc apport de matière réduisant la hauteur d'eau du fleuve.

Lorsqu'un castor prélève un arbre en bord de rive, il s'agit souvent d'un saule ou d'un aulne qui rejette et repousse en buisson, ce qui permet à l'arbre de continuer à vivre et sauvegarde la berge. Quelques années plus tard, quand il aura repoussé, le castor reviendra lui rendre visite à coup d'incisives.

Castor européen (Vallée de la Meuse)

La famille du castor européen est formée de deux adultes, de deux jeunes nés à la mi-mai et des deux jeunes nés l'année passée. Quand ces deux derniers auront presque deux ans en mars, ils partiront d'eux-mêmes ou bien seront chassés par leurs parents pour chercher leur propre territoire.

Castor européen (Vallée de la Meuse)
Castor européen (Vallée de la Meuse)
Castor européen (Vallée de la Meuse)

Le castor européen est le "frère" du castor américain. En fait ils se ressemblent beaucoup et ne peuvent être différenciés que par des analyses génétiques.

Castor européen (Vallée de la Meuse)
Castor européen (Vallée de la Meuse)
Castor européen (Vallée de la Meuse)

Les jeunes castors sont souvent venus nous approcher, parfois à moins d'un mètre du canot, l’œil toujours rivé sur nous.

Castor européen (Vallée de la Meuse)
Castor européen (Vallée de la Meuse)
Castor européen (Vallée de la Meuse)
Castor européen (Vallée de la Meuse)
Castor européen (Vallée de la Meuse)
Castor européen (Vallée de la Meuse)

L'antre du castor. Sa hutte se situe non loin de là mais l'amoncellement de branches était tellement dans l'ombre et caché derrière les buissons que je n'ai pu le photographier.

Castor européen (Vallée de la Meuse)
Castor européen (Vallée de la Meuse)
Castor européen (Vallée de la Meuse)

Un grand merci à JP qui a ramé comme un damné pour que je puisse faire ces photos et qui m'a donné toutes les informations sur ce sympathique rongeur.

Castor européen (Vallée de la Meuse)

Pour finir la queue du père castor. La berge était tellement envahie de végétaux que je n'ai pas pu le photographier en entier.

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